Bal Masqué (Маскарад) de Mikhaïl Lermontov (1835) est un chef d’œuvre de la littérature russe. Les mises en scène de Meyerhold, Vassiliev… ont marqué l’histoire du théâtre. C’est une splendeur sombre, un romantisme de pure essence. Et c’est aussi une pièce inaccessible désormais, avec ses bals, ses foules aristocrates, le souvenir des rideaux du théâtre impérial de Saint-Pétersbourg, de la musique de Glazounov et de Glinka. Le rêve qui est poursuivi ici c’est qu’une telle matière théâtrale, si elle est réduite en son cœur, peut nous livrer quelque chose de l’exceptionnelle saisie du théâtre, un artifice pur, chanté en vers et visionné dans la lampe des rêves fébriles, comme le cœur de l’homme pressuré pour qu’en jaillisse le chant opaque et irréductible. « Personne, pas même le diable, n’a le droit de se gausser de mon amour ». C’est la parole d’Arbénine, le héros noir de la pièce, qui ne veut pas croire à son bonheur, cet îlot d’humanité que l’amour de Nina lui donne dans un monde terrifiant de froideur nulle, et dont il est un rescapé. Magnifique humanité de cet amour, qui se brisera comme un vase trop pur, avec son cristal d’innocence et ses débris de désespérance. C’est une pièce qui se lit au galop et dont on voudrait retenir avec passion l’enchaînement fatal. Arbénine aime, Arbénine se croit trahi, Arbénine se venge, Arbénine est fou, et les masques sont les dieux de cette tragédie. Arbénine rejoindra Nina au ciel, pourtant, on en jurerait.
Aux acteurs qui joueront cette pièce, sur un proscenium réduit, encadré par les visages des spectateurs témoins, illuminés par la lumière dorée des anciennes lampes de pied, il arrivera d’aller aux purs effets d’existence du théâtre. Le cœur disséqué dans la gloire maîtrisée des grandes histoires dont le théâtre est le cadre.
texte Mikhaïl Lermontov, paru en 1835
traduction André Markowicz
mise en scène Marie-José Malis
assistanat à la mise en scène Sandrine Rommel
avec Pascal Batigne, Virginie Colemyn, Juan-Antonio Crespillo, Sylvia Etcheto, Saliha Gaci, Olivier Horeau, Mahamadou Marega, Adrien Marès, Laurent Prache, Sandrine Rommel, Marc Susini
scénographie Jessy Ducatillon, Adrien Marès, Marie-José Malis
création lumière Jessy Ducatillon
son Patrick Jammes
construction David Gondal, Adrien Marès et l’équipe de La Commune
costumes et masques Zig et Zag
confection Christine Brottes et Sophie Schaal
habilleuse Angélique Groseil
régie plateau Adrien Marès
musique extraits de Masquerade de Glazounov, romance Doute de Glinka, extraits de Simi et de Mourned by the wind de Giya Kancheli
Nos plus vifs remerciements à André Markowicz
remerciements encore à l’Opéra de Paris pour son aimable contribution aux costumes du spectacle
production La Commune CDN d’Aubervilliers
création 5 février 2022